Plus jeune ville de la Gironde, Marcheprime n’est officiellement devenue une commune qu’en 1947. Cependant, l’histoire de la ville est riche et marquée par deux familles en particulier : les Blieck et les Pereire. Liée à l’aéronautique et à la télégraphie, elle est également faite de grandes victoires et de drames. Croix d’Hins a en effet accueilli le premier aérodrome du département (1909) et le premier vol girondin de l’aviateur Léon Delagrange. De nombreuses rues de la ville rendent hommage aux pionniers de l’aviation (Suzanne Lenglen, rue Elise Deroche, Louis Blériot…). Découvrez quelques brides de cette histoire…
De tout temps, la Commune de Marcheprime, et particulièrement le Hameau de Croix d’Hins, ont eu pour vocation d’être un lieu de passage. La première trace historique se situe à Croix d’Hins sous la forme d’une borne sur l’ancienne voie romaine Bordeaux – Dax. Elle signifiait la limite en territoire de deux peuplades.
Toutefois, il faut attendre l’intérêt pour la région des Frères Pereire pour voir se développer Marcheprime. A l’origine, elle n’est en effet qu’un lieu-dit rattaché à la commune de Biganos, constituée de quelques habitations et d’une auberge en bord de route.
Puis, après avoir acquis à la même période près de 10 000 ha de terres réparties sur les communes de Lanton, Audenge, Biganos et Mios, la ville entreprend des travaux d’assainissement et d’ensemencement, destinés à transformer ces hectares de Landes en forêt de pins. Le hameau accueille le centre actif du domaine et des habitations sont construites pour loger la main d’œuvre. Le lieu-dit se développe ensuite et s’organise de façon linéaire par rapport aux voies structurantes et par rapport aux édifices publics.
En 1862, Émile Pereire fait construire une église (les initiales E.P. sont toujours gravées sous la voûte). Un vaste parc arboré d’essences diverses structure ce bâtiment neuf. En 1863, une délibération du Conseil Municipal de Biganos fait état de l’existence d’une église, d’une école, d’une maison d’instituteur et d’un presbytère dans le lieu-dit « Marcheprime ».
Émile Pereire demande alors que ce dernier soit érigé en commune. Toutefois, ce projet mettra 83 ans pour aboutir ! Par décret du 10 octobre 1946, Marcheprime devient officiellement une Commune. La Mairie est construite en 1947. Par la suite, le développement urbain, fortement contraint par l’intersection des axes routiers et ferroviaires, entraîne une explosion démographique.
En 1980, la ville compte 1380 habitants. Puis, en 1999, ces derniers étaient 3 486. En 2005, 3 832 habitants sont dénombrés. La commune compte près de 4 400 habitants en 2013, l. À travers la Compagnie des Chemins de Fer du Midi, les frères Pereire prennent à bail la ligne de Bordeaux à La Teste le 27 mars 1852
Un patrimoine riche
La commune de Marcheprime est riche d’un patrimoine que la municipalité fait revivre chaque année à ses habitants, par l’organisation des « Journées de découverte du patrimoine Marcheprimais».
La station TSF Radio Bordeaux Lafayette
Superbe outil construit par l’US Navy et vendu au gouvernement français en 1919, le poste de TSF Station Lafayette érigé à Croix d’Hins, fût la station radiotélégraphique la plus puissante au monde. Cette station devait assurer la liaison avec les États-Unis, de jour comme de nuit. Le 21 août 1920, le premier message était transmis.
Dès la déclaration de guerre en août 1914, les liaisons téléphoniques par câbles sous-marins sont coupées, il devient alors indispensable de mettre en place des solutions de remplacement : la radio-télégraphie, en plein développement, vient à point pour combler ce manque de liaisons terrestres. Les américains entrent en guerre en 1917. Un canal de communication sûr et permanent entre l’Europe et les États-Unis doit être rendu opérationnel rapidement. Une nouvelle station de radiotélégraphie est étudiée à l’initiative du Général Pershing en vue de permettre des communications fiables et ininterrompues entre les forces armées américaines engagées en France et les États-Unis.
La délégation française propose le site de Croix d’Hins près de Bordeaux. Ce site est accepté par la commission inter-alliés chargée du dossier, car il présente de nombreux avantages :
il est loin des zones de combats,
il est près du port de Bordeaux et hors d’une zone urbaine (forêt landaise),
il peut être raccordé au réseau ferroviaire,
il peut être alimenté en courant depuis les barrages hydroélectriques sur la Dordogne et en particulier le barrage de Tuilière en amont de Bergerac
compte tenu de la position du continent nord-américain, il était préférable de choisir un lieu près de la côte ouest Atlantique française
486 hectares de terrain sont acquis rapidement pour la construction de la station. En souvenir de l’amitié franco-américaine, celle-ci porte le nom de Radio Bordeaux Lafayette.
Le chantier démarre le 7 mars 1918. Il faut construire non seulement les antennes et l’émetteur, mais aussi des bâtiments techniques, un château d’eau, un atelier, un réfectoire, les logements pour le personnel et même une école. Un raccordement ferroviaire est fait en gare de Croix d’Hins, afin d’acheminer les pièces lourdes depuis le port de Bordeaux. La voie ferrée passera entre les pylônes et pénètrera jusque dans le bâtiment principal. 750 Marines sont envoyés en France pour le montage du matériel et l’élévation des pylônes d’antenne qui commencera en mai 1918.
La fin de la guerre le 11 novembre 1918 voit un arrêt des travaux alors que seulement 6 des 8 pylônes sont construits. Des discussions franco-américaines reprennent début 1919 et un nouvel agrément est signé en février 1919. Les derniers pylônes sont mis en place, l’installation générale terminée et les essais de réception achevés en avril 1920. Le premier message est transmis le 21 Août 1920. L’inauguration officielle a lieu le 16 décembre de cette même année.
1er message de la station TSF Bordeaux Lafayette, transmis le 21 août 1920 à 14h00 :
“SECRETARY OF THE NAVY , WASHINGTON THIS IS THE FIRST WIRELESS MESSAGE TO BE HEARD AROUND THE WORLD AND MARKS A MILESTRONE ON THE ROAD OF SCIENTIFIC ACHIEVEMENT . LAFAYETTE RADIO STATION.”
Traduction : “Département de la marine, Washington. Ceci est le premier message sans fil qui sera entendu dans le monde entier et qui marquera une étape sur la route du progrès scientifique. Station Radio Lafayette ».
En 1940, les allemands s’emparèrent des installations. Ils se rendirent vite compte de l’utilité des ondes très longues pour communiquer avec les sous marins en plongée. La station fonctionnera jusqu’à sa destruction par les allemands en 1944, à l’arrivée des alliés. Le dernier pylône sera abattu le 21 novembre 1953. Très peu de choses sont encore visibles aujourd’hui sur le site. Seuls quatre bâtiments d’époque subsistent encore ainsi que les ruines de l’ancien atelier et du réfectoire.
En 2020, la municipalité a célébré les 100 ans de la Station Lafayette. Des panneaux ont été mis en place.
Des vidéos ont été réalisées pour vous faire découvrir cette station. Son histoire est racontée par Émile Vialaret, passionné par l’histoire de Croix-d’Hins.
Léon Delagrange : « Le merveilleux fou volant »
Léon Delagrange est un sculpteur de talent, mais aussi un pionnier de l’aviation du début du siècle dernier. Il construisit lui-même un avion en 1906 et réussit un premier vol le 6 mai 1907 en s’élevant d’une hauteur de 4 mètres sur une distance de 80m.
Le 6 septembre 1909, il bat tous les records de distance et de durée de vols à bord du biplan Voisin n°3. Il fait 15 fois et ½ le tour du terrain d’Issy-Les-Moulineaux, soit 24,727km parcourus en 29 minutes et 54 secondes.
En 1909, il devient Chevalier de la légion d’honneur, avant de périr, le 4 janvier 1910 lors d’un vol d’entrainement aux commandes d’un Blériot, sur l’aérodrome de Croix d’Hins.
Une stèle commémorative est érigée à Croix d’Hins lors de la journée de découverte du patrimoine du 10 janvier 2010.
De l’ère pastorale à la sylviculture moderne
Le travail du pin et plus particulièrement le gemmage, permet d’obtenir l’essence de térébenthine…
Cette journée a permis de comprendre comment et pourquoi un lieu-dit couvert de Lande avant 1850, désertique et marécageux, est aujourd’hui devenu une commune boisée de pins.
Le saviez-vous ?
La signification du Blason de Marcheprime
La coquille Saint-Jacques et la bande verticale centrale symbolisent la route de l’Espagne et de Compostelle. En effet, l’itinéraire d’Antonin mentionne une « Route des Lacs » de Dax à Bordeaux par LOSA (Sanguinet), BOII (Lamothe Biganos) et FINES (Croix-d’Hins).
La bande horizontale discontinue symbolise la limite de Hins (du Latin FINES). C’est à Croix-d’Hins (Crux Finium = Croix des Fines) que fût élevée une croix pour marquer la limite du territoire des Boïens et des Bituriges Vivisque. Cette limite est encore celle du canton d’Audenge et de Pessac.
L’arbre et la cornue symbolisent la vocation forestière locale traditionnelle et industrielle de la distillation de la gemme.
Les moutons et les crosses de fougères rappellent qu’autrefois, avant la création de la forêt, seuls les moutons occupaient la lande.
L’origine du nom « Marcheprime »
Étienne Ramon se trouve être le premier habitant de Testemaure. Mais le nom d’Étienne est vite oublié au profit de celui de son fils Pierre.
En 1823, Pierre Ramon épousa Marie Lalande, de Mios. Par un jeu d’écriture, son nom se transforme en Raymond dans l’acte de mariage suivi de son surnom « Ramouniche ». À cette époque, il prend en charge l’auberge de son père.
Pierre Raymond, toujours pressé et marchant à petits pas, fût surnommé Marcheprime (en gascon l’adjectif « prim » signifie mince, tenu, minutieux).
L’auberge de Testemaure devint, petit pas à petit pas, l’auberge de Marcheprime, et on finit par s’arrêter à « Marcheprime ».
La liste électorale de 1830 cite « Raymond Marcheprime » cabaretier, on voit ainsi un patronyme devenir un prénom et un surnom devenir un nom de famille.
En 1837, un acte notarié fait état d’un lieu Marcheprime : le nom de Testemaure disparaît.
Et c’est ainsi que de Ramon on passa à Marcheprime !